jeudi 10 novembre 2011

Les obligations des agents de la fonction publique territoriale

Après les droits des agents de la fonction publique territoriale, l’autre pierre essentielle du statut est celle de leurs obligations. Elles se trouvent également dans la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors.
Précisément, les obligations sont détaillées au chapitre IV de ce texte législatif, aux articles 25 à 30 et doivent être respectées à la fois par les titulaires et les non-titulaires.

Elles sont les suivantes :


- Consacrer l’intégralité des activités aux tâches confiées

- Respecter le secret professionnel et la discrétion professionnelle

- L’obligation d’information au public

- L’obligation d’effectuer les tâches confiées et d’obéissance hiérarchique

- L’obligation de réserve



L’obligation de consacrer l’intégralité des activités aux tâches confiées


Le principe


L’article 25 de la loi Le Pors pose le principe suivant : « Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. »

Par conséquent, les activités privées, en principe, sont interdites :« Sont interdites, y compris si elles sont à but non lucratif, les activités privées suivantes :

1° La participation aux organes de direction de sociétés ou d'associations ne satisfaisant pas aux conditions fixées au b du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts ; »

Pour être autorisé à participer à de tels organes, l’organisme doit être géré et administré à titre bénévole par des personnes n’ayant aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation.

Les membres de l’organisme et leurs ayant droits ne peuvent pas être déclarés attributaires d’une part quelconque de l’actif sous réserve du droit de reprise des apports.

Est également interdit : « Le fait de donner des consultations, de procéder à des expertises et de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale, sauf si cette prestation s'exerce au profit d'une personne publique ; »

Ainsi que : « La prise, par eux-mêmes ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils appartiennent ou en relation avec cette dernière, d'intérêts de nature à compromettre leur indépendance. »

Donc, il est interdit aux fonctionnaires et agents publics d’avoir la qualité de gérant, même associé ainsi que d’être membre d’un organe collégial de direction.

Cependant, il existe des dérogations et des exceptions…

Les exceptions


La production des œuvres de l’esprit

Traditionnellement, les agents publics ont le droit de produire des œuvres dits « de l’esprit » au sens des articles L 112-1, L112-2, et L 112-3 du code de la propriété intellectuelle et d’en tirer bénéfice.

Article L 112-1: « Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes lesœuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ».

Article L 112-2 : « Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code:

1° Les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques;

2° Les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres œuvres de même nature

3° Les œuvres dramatiques ou dramatico-musicales

4° Les œuvres chorégraphiques, les numéros et tours de cirque, les pantomimes, dont la mise en œuvre est fixée par écrit ou autrement;

5° Les compositions musicales avec ou sans paroles

6° Les œuvres cinématographiques et autres œuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non, dénommées ensemble œuvres audiovisuelles;

7° Les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie;

8° Les œuvres graphiques et typographiques

9° Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie

10° Les œuvres des arts appliqués

11° Les illustrations, les cartes géographiques;

12° Les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture et aux sciences;

13° Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire;

14° Les créations des industries saisonnières de l ‘habillement et de la parure. Sont réputées industries saisonnières de l’habillement et de la parure les industries qui, en raison des exigences de la mode, renouvellent fréquemment la forme de leurs produits, et notamment la couture, la fourrure, la lingerie, la broderie, la mode, la chaussure, la ganterie, la maroquinerie, la fabrique de tissus de haute nouveauté ou spéciaux à la haute couture, les productions des paruriers et des bottiers et les fabriques de tissus d’ameublement ».

L’autorité territoriale n’a pas à être prévenue de ces productions. Cependant, le Conseil d’Etat, dans son arrêt Cannard du 19 mars 1997, aestimé que la création d’œuvre d’art ne doit pas conduire le fonctionnaire à porter atteinte à son obligation d’indépendance et à son devoir de réserve.


Les dérogations

La loi n°2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique est venue modifier les règles de cumul d’activités des fonctionnaires. L’obligation d’exclusivité reste posée mais des dérogations sont limitativement posées.

Ainsi, il existe deux types de dérogations : les dérogations soumises à autorisation et les dérogations non soumises à autorisation.


Les dérogations soumises à autorisation

Les agents publics peuvent reprendre ou créer une entreprise après déclaration à l’autorité et avis de la commission de déontologie. Ce cumul peut être exercé pendant une durée maximale d’un an à compter de cette création d’entreprise, renouvelable une fois. L’agent doit présenter une déclaration écrite à l’autorité 2 mois avant la date de création ou de reprise de cette entreprise en mentionnant la forme et l’objet social de l’entreprise, son secteur et sa branche d’activités. L’autorité compétente saisit la commission de déontologie dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle elle l’a reçue et rend son avis dans un délai d’un mois.


L’agent peut conserver une activité professionnelle privée pendant le début de sa carrière publique pendant un an, renouvelable une fois. Cette possibilité concerne les personnes lauréates d’un concours de recrutement dans la fonction ou bien embauchée comme non titulaire peut continuer à exercer des fonctions, salariés ou non, de dirigeant de société ou d’une association à gestion intéressée.


Les fonctionnaires peuvent être autorisés à cumuler à titre accessoire à leur activité principale les activités suivantes: Expertises ou consultations d’une entreprise ou d’un organisme privé, Enseignements ou formations, Activité agricole, Travaux d’extrême urgence dont l’exécution immédiate est nécessaire pour prévenir des accidents imminents ou organiser des mesures de sauvetage, Travaux ménagers de peu d’importance réalisés chez des particuliers, Aide à domicile à un ascendant, à un descendant, à son conjoint, à son partenaire lié par un PACS ou à son concubin permettant à l’agent de percevoir, le cas échéant, les allocations afférentes à cette aide, Activité de conjoint collaborateur au sein d’une entreprise artisanale ou commerciale, Activité d’intérêt général exercée auprès d’une personne publique ou auprès d’une personne privée à but non lucratif, Une mission d’intérêt public de coopération internationale au auprès d’organismes d’intérêt général à caractère international ou d’un Etat étranger, pour une durée limitée.



Les dérogations non soumises à autorisation


Les agents publics et fonctionnaires peuvent gérer leur patrimoine privé, de détenir des parts sociales ou tout acte de gestion sauf celui de participation aux organes de direction des sociétés à but lucratif.

Les personnels enseignants, techniques ou scientifiques des établissements d’enseignement et les personnes pratiquant des activités à caractère artistique peuvent exercer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions.



L’obligation de respecter le secret professionnel

Le secret professionnel est imposé par l’article 26. « Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal. »

Il est imposé en raison du fait que les fonctionnaires et agents publics sont dépositaires de renseignements concernant ou intéressant des particuliers ; le but étant ici de protéger les intérêts matériels et moraux des particuliers, donc des administrés

Le secret professionnel n’a pas été défini par les codes mais la jurisprudence en a dessiné les contours et constitue une violation du secret professionnel la divulgation intentionnelle de toute information qui relève du secret de la vie privée ou de tous secrets protégés par la loi comme les dossiers médicaux par exemple. De plus, l’obligation du secret professionnel porte aussi sur des fait susceptibles d’être déjà connus du public (Cour de Cassation, chambre criminelle, 25 janvier 1968).

Cependant, il ne s’agit pas d’une obligation absolue puisque la révélation de secret est parfois permise et même obligatoire dans certains cas.

La révélation est permise pour prouver son innocence et lorsque l’intéressé a donné son autorisation.

Parmi les obligations, il y a la dénonciation de crimes et délits. L’article 40 du code de procédure pénale impose que « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. » Ca implique la communication de renseignements, pièces et documents aux autorités de justice agissant en matière criminelle ou correctionnelle.

Ces révélations obligent, le cas échéant, le fonctionnaire à témoigner en justice en matière criminelle ou correctionnelle (Art 109 du code de procédure pénale).

Enfin, le fonctionnaire doit communiquer au juge administratif saisi d’un recours contre un acte administratif ou au juge judiciaire saisi d’un litige les pièces et documents nécessaires au jugement de l’affaire.


L’obligation de respecter la discrétion professionnelle

Les fonctionnaires « doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. »

En dehors des cas expressément prévus par la réglementation en vigueur, notamment en matière de liberté d’accès aux documents administratifs, les fonctionnaires ne peuvent être déliés de cette obligation de discrétion professionnelle que par décision expresse de l’autorité dont ils dépendent. »

Elle résulte du secret administratif qui entourait traditionnellement l’administration. Le but est de protéger l’administration contre la divulgation d’informations relatives au service. Ainsi, tout fonctionnaire peut opposer la discrétion professionnelle aux personnes étrangères à l’administration et aux autres fonctionnaires.

Le principe est atténué lorsque des décisions nécessitent des conversations entre collègues - dans ce cas, les échanges de renseignements ont lieu dans l’intérêt du service - ou dans le cas de faits relevant de l’article 40 du code de procédure pénale.

A noter donc, les articles suivants du code de procédure pénale :



Article 40 du Code de procédure pénale:


« (…) Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »


Article 109 du Code de procédure pénale:


« Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du Code pénal.(…)

Si le témoin ne comparaît pas ou refuse de comparaître, le juge d'instruction peut, sur les réquisitions du procureur de la République, l'y contraindre par la force publique. »


L’obligation d’information au public

Article 27 de la Loi Le Pors : « Les fonctionnaires ont le devoir de satisfaire aux demandes d'information du public dans le respect des règles mentionnées à l'article 26 de la présente loi ».

Le fonctionnaire doit donc garantir à toute personne la liberté d’accès aux documents administratifs de caractère non nominatif.


De plus, sous réserve des dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, toute personne a le droit de connaître les informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui sont opposées. Une circulaire FP n°1430 du 5 octobre 1981 a précisé les modalités d’application.


Selon la loi du 17 juillet 1978 :

Sont considérés comme des documents administratifs tout documents élaborés ou détenus par l’Etat, les collectivités territoriales et toutes personnes de droit public ou les personnes privées chargées de la gestion d’un service public dans le cadre de leur mission de service public. Il s’agit par exemple de dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, directives, instructions, circulaires, correspondances, avis, décisions, etc.

Ne sont communicables qu’aux intéressés les documents administratifs dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée et des dossiers personnels, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle, les documents portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne, faisant apparaitre le comportement d’une personne dès lors que la divulgation pourrait lui porter préjudice.

Ne sont pas considérés comme des documents administratifs les documents préparatoires à une décision administrative.

Ne sont pas communicables, de manière générale, les documents liés à la défense nationale, à la politique extérieure, à la sécurité publique, et aux secret protégés par la loi.

Le refus de communication doit être notifié et motivé avec indication des voies et délais de recours. Le silence de l’administration pendant plus d’un mois équivaut à un refus. Suite à un refus, le demandeur a 2 mois pour saisir pour avis la Commission d’accès aux documents administratifs qui est chargée de veiller au respect des règles en matière d’accès aux documents administratifs.


L’obligation d’effectuer les tâches confiées et d’obéissance hiérarchique

Article 28 de la Loi Le Pors : « Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.

Il n'est dégagé d'aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés ».

Cette obligation d’obéissance hiérarchique impose aussi la soumission au contrôle hiérarchique de l’autorité supérieure compétente. Il veut aussi que le fonctionnaire fasse preuve de loyauté dans l’exercice de ses fonctions.

Ce devoir d’obéissance veut aussi que le fonctionnaire respecte les lois et règlements.

Cependant, le fonctionnaire n’est pas tenu d’obéir en cas d’ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Les deux conditions sont cumulatives.

Le fonctionnaire peut aussi exercer son droit de retrait dans le cas d’une situation de travail présentant un danger grave et imminent pour sa santé ou sa vie.



L’obligation de réserve

L’obligation de réserve est une construction jurisprudentielle. Il découle du principe de neutralité que doit respecter l’agent et qui lui interdit de faire de sa fonction un instrument de propagande quelque nature que ce soit.

L’obligation de réserve s’apprécie de diverses manières en fonction de plusieurs critères comme la place du fonctionnaire dans la hiérarchie, ce qu’il a dit, dans quelles circonstances, etc.

Les représentants syndicaux y sont également soumis dans la mesure où l’expression syndicale doit se rattacher à la défense des intérêts professionnels des agents de l’administration. Elle ne doit pas excéder les limites que les fonctionnaires et leurs organisations syndicales doivent respecter en raison de la réserve qu’ils doivent tenir à l’égard des autorités publiques.

L’expression syndicale et l’obligation de réserve: Les représentants syndicaux sont tenus à moins de modération et peuvent s’exprimer avec une assez grande liberté. Le syndicaliste n’a pas à être inquiété dans le déroulement de sa carrière en raison de ses prises de position, il peut s’exprimer dans la presse et y adresser des communiqués.

Dans ses conclusions du 18 mai 1956 pour l’arrêt Boddaert du Conseil d’Etat, le Commissaire du gouvernement affirmait que « le dirigeant d’un syndicat de fonctionnaires échappe dans une large mesure aux obligations dont il est tenu en qualité de fonctionnaire » même si une conciliation doit être trouvée entre expression syndicale et devoir de réserve.


Vous êtes agent de la fonction publique territoriale et vous exercez dans une collectivité du Nord-Pas-de-Calais ou de la Picardie. Vous avez envie de faire partager une expérience ou un point de vue sur le sujet des droits des agents de la fonction publique territoriale. Vous pouvez nous contacter sur notre mail ou laisser un commentaire.

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