mardi 20 décembre 2011

La procédure disciplinaire dans la fonction publique territoriale - Deuxième partie : Les garanties procédurales pour l'agent

Statue de la loi
Les garanties procédurales pour l'agent

Les références juridiques sont les mêmes que celles indiquées dans la première partie du dossier consacré à la procédure disciplinaire dans la fonction publique territoriale. Il s'agit donc de : 




La loi du 26 janvier 1984 et le décret du 18 septembre 1989 prévoient des garanties disciplinaires. Aucune sanction ne peut être prononcée sans les garanties minimales prévues par ces textes.
La procédure doit être contradictoire, la consultation du conseil de discipline, en dehors des sanctions du 1er groupe, est obligatoire et des recours administratifs et contentieuses sont possibles contre la sanction. Enfin, dans le cas où une procédure pénale est engagée parallèlement, celle-ci est indépendante de la procédure disciplinaire.


Une procédure contradictoire

La première exigence est que l’agent doit être informé par l’administration personnellement qu’une procédure disciplinaire est engagée contre lui, des reproches qui lui sont faits lui permettant de comprendre le sens de la décision envisagée à son encontre. Cette information peut se faire par un courrier ou par une convocation.

La deuxième exigence, conformément à l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983, veut que « Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes (…). L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier ». L’article 4 du décret du 18 septembre 1989 précise que la lettre informant l’agent de l’engagement d’une procédure contre lui doit l’informer de son droit à communication de son dossier individuel et l’article 5 doit l’inviter à prendre connaissance du rapport engageant la procédure disciplinaire et saisissant le conseil de discipline.

L’absence d’information du fonctionnaire entraîne l’illégalité de la procédure et la règle de communication au dossier individuel a été érigée en principe général de droit (Conseil d’Etat, 5 mai 1944, Dame veuve Trompier). Son omission a pour conséquence l’annulation de la sanction (Conseil d’Etat, 21 juin 1996, commune de Buchères c/Collery).

La troisième exigence est que l’agent doit avoir la possibilité de présenter utilement ses observations. Néanmoins, l’administration n’est pas tenue d’organiser un entretien individuel préalablement à l’engagement de la procédure disciplinaire. Ainsi en a décidé la cour administrative d’appel de Lyon dans son arrêt Mme Pavy du 2 décembre 2003.

La quatrième exigence veut que l’administration doit informer l’agent « qu’il a la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix » (article 4 du décret du 18 septembre 1989). Il s’agit d’une véritable obligation ; quelle que soit la sanction envisagée, même ma plus minime. A défaut, la sanction est illégale comme l’a précisé à plusieurs reprises la jurisprudence administrative. Les conseillers peuvent être des avocats mais aussi des représentants syndicaux.


La consultation du Conseil de discipline

L’article 1er du décret du 18 septembre 1989 dispose que « Le conseil de discipline est une formation de la commission administrative paritaire dont relève le fonctionnaire poursuivi », ce qui signifie qu’il en existe un pour chaque catégorie hiérarchique. Le même article précise qu’il est « présidé par un magistrat de l’ordre administratif, en activité ou honoraire, désigné par le présidant du tribunal administratif dans le ressort duquel le conseil de discipline a son siège » et qu’il « se réunit au centre de gestion de la fonction publique territoriale compétent pour le département où exerce le fonctionnaire concerné ».

Instance paritaire, il est composé à nombre égal de représentants titulaires du personnel de la commission administrative paritaire et de représentants des collectivités désignés par tirage au sort effectué par le président du conseil de discipline. Les membres du conseil de discipline sont tenus de respecter le principe d’impartialité.

Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l’autorité territoriale mais les textes ne prévoient pas de délai quant à la saisine. Par la suite, le fonctionnaire et l’agent doivent être convoqués quinze jours au moins avant sa réunion, ce délai devant permettre à l’agent de faire appel aux défenseurs de son choix et de citer des témoins. L’inobservation de ce délai entraîne l’annulation de la sanction.

Au moment de la séance, l’autorité territoriale ou l’agent peut demander le report de la séance. Ce report est accepté à la majorité des membres présents et un seul report est autorisé.

Pour être régulière, la séance ne doit pas être publique. N’y assistent donc que les membres du conseil de discipline, le fonctionnaire et ses défenseurs, les témoins et les personnes chargées du secrétariat. De plus, la délibération n’est valable que si le quorum est atteint. Le décret du 18 septembre 1989 exige au moins trois représentants de chacune des catégories.

Les membres instruisent l’affaire à partir des pièces du dossier, le fonctionnaire doit pouvoir répondre au rapport présenté par l’administration et donner ses explications de manière écrite ou orale. Les témoins de l’autorité territoriale ou du fonctionnaire doivent pouvoir déposer oralement ou par écrit.

De plus, les membres du conseil peuvent, à la majorité, décider d’une enquête s’ils ne s’estiment pas « suffisamment éclairé sur les circonstances de l’affaire » (article 11 du décret du 18 septembre 1989).

L’affaire instruite, le conseil de discipline délibère à huis-clos et prend un avis motivé à la majorité des membres présents. Dans le cas où il y a partage des voix, le président en informe l’autorité ayant le pouvoir disciplinaire qui pourra prendre une décision. Dans ce cas, la motivation n’est pas nécessaire.
L’autorité territoriale n’est pas liée par l’avis émis.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré dans son arrêt M. Piselli c/ M. Amoretti du 1er décembre 1987 que sanctionner un agent sans réunir le conseil de discipline était constitutif d’une voie de fait. Mais cette obligation ne vaut qu’à partir des sanctions du 2ème groupe. Le dernier alinéa de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 énonce qu’ « aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le 1er groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l’Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d’un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté ».

Seules des circonstances extérieures permettent d’éviter le conseil de discipline. Dans son arrêt Commune de Villedieu-sur-Indre du 2 mars 2004, la cour d’appel de Bordeaux a estimé que « l’impossibilité de réunir un conseil de discipline qui n’a pu être constitué pour des raisons étrangères à l’autorité compétente ne saurait avoir pour effet de priver celle-ci du pouvoir disciplinaire, ni de priver l’agent concerné des garanties de la procédure disciplinaire ; qu’il appartient, en ce cas, à l’autorité  compétente d’informer l’agent de cette impossibilité et de l’inviter à nouveau à présenter sa défense dans les mêmes conditions que devant le conseil de discipline ».


Les recours administratifs et contentieux contre la sanction

En termes de recours administratif, l existe d’abord le conseil de discipline de recours dont le fonctionnement est similaire au conseil de discipline. Il en existe un dans chaque région administrative.

Le fonctionnaire peut saisir le conseil de discipline de recours dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision contestée mais les possibilités sont limitées. L’article 24 du décret du 18 septembre 1989 pose que « Les recours dirigés contre les sanctions disciplinaires des deuxième et troisième groupes mentionnés à l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 précitée ne sont recevables que lorsque l'autorité territoriale a prononcé une sanction disciplinaire plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de premier degré ». Ainsi, il ne peut être saisi que si la sanction prononcée par l’autorité territoriale est plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline.

Le fonctionnaire peut également saisir l’autorité territoriale d’un recours gracieux afin d’obtenir le retrait ou la modification de la sanction. Ce recours  peut intervenir avant la saisine du conseil de discipline de recours ou avant un dépôt d’un recours devant le tribunal administratif. Il suspend le délai de recours contentieux

Sur le plan du recours contentieux, le fonctionnaire peut saisir le juge de l’excès de pouvoir ou le juge des référés. Dans le premier cas, seul, l’agent a intérêt à agir. Le juge exerce un contrôle approfondi sur la légalité externe de l’acte mais ne censure que l’erreur manifeste d’appréciation de l’administration dans son choix de la sanction. Dans le deuxième cas, il s’agit de tenter d’obtenir la suspension de la décision mais deux conditions cumulatives sont nécessaires : l’urgence et l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision.


L’indépendance des procédures disciplinaires et des procédures pénales

Il est possible que la faute donnant lieu à des poursuites disciplinaires soi elle-même une infraction pénale donnant lieu à une condamnation devant la juridiction répressive et les deux sanctions peuvent se cumuler. Mais la condamnation ne lie pas forcément l’administration. Cependant, celle-ci peut surseoir à statuer en attendant le jugement pénal.

La plupart du temps, la sanction disciplinaire intervient avant  la décision pénale. Dans ce cas, si le fonctionnaire a bénéficié d’un acquittement ou  d’une relaxe, l’administration a la possibilité de revoir la situation de l’agent. Si tel n’est pas le cas, un recours pour excès de pouvoir fondé sur la décision pénale peut être introduit devant le juge administratif sauf si les délais de recours sont expirés.

Dans le cas où la décision pénale intervient en premier, la décision du juge pénal s’impose à l’administration si elle a constaté l’existence matérielle des faits mais en raison de son pouvoir discrétionnaire, l’administration reste libre d’apprécier la gravité des faits pour retenir une sanction. Cependant, dans les cas où la matérialité des faits n’a pas été établie ou une plainte a été classée sans suite pour défaut de preuve, la juridiction administrative annule la sanction. C’est pas exemple le cas de l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 janvier 1995, Delignières.

Mais on peut constater que la jurisprudence administrative a précisé que l’autorité disciplinaire n’est pas liée par les décisions de non-lieu ni de relaxe ou d’acquittement au bénéfice du doute. On peut citer dans ce cas l’arrêt Cimeterra du Conseil d’Etat du 24 octobre 1986.

Par contre, dans son arrêt Frady du 22 avril 1992, le Conseil d’Etat a décidé que la perte de jouissance civique, totale ou partielle, rendait inapte à occuper un emploi public. Ici, l’administration a compétence liée et doit prononcer l’exclusion de la fonction publique.

Un troisième partie sera mise en ligne à propos de la procédure disciplinaire. Elle fera le point sur les observations critiques qui peuvent être faites à son égard. En effet, même si des garanties sont mises en place pour l'agent, elles n'évitent cependant pas les cas de sanctions déguisées.


Vous êtes agent de la fonction publique territoriale et vous exercez dans une collectivité du Nord-Pas-de-Calais ou de la Picardie. Vous avez envie de faire partager une expérience ou un point de vue sur le sujet des droits des agents de la fonction publique territoriale. Vous pouvez nous contacter sur notre mail ou laisser un commentaire.

lundi 12 décembre 2011

La procédure disciplinaire dans la fonction publique territoriale - Première partie : La faute

Statue de la loi
Le statut général des fonctionnaires confère aux fonctionnaires territoriaux des droits et des obligations. Ces thèmes ont été développés précédemment dans deux articles distincts, les droits ICI et les obligations ICI. L'inobservation d'une obligation peut entraîner l'application d'une sanction disciplinaire. C'est de ce sujet que vont traiter les deux articles à venir. 

Celui-ci d'abord qui se concentre sur la faute en elle-même et un prochain dans quelques jours qui se concentrera sur les garanties procédurales dont bénéficie l'agent. 

Les références juridiques en matière de procédure disciplinaire sont les suivantes :





La nature de la faute

L’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 pose que « le pouvoir disciplinaire appartient à l’autorité investie du pouvoir de nomination » et c’est elle qui décide de l’opportunité des poursuites. L’opportunité signifie qu’elle décide ou non de poursuivre même dans le cas où aucun doute n’est permis sur la réalité de la faute. Cependant, si l'autorité territoriale décide de sanctionner, elle se doit de respecter la procédure disciplinaire telle qu'encadrée par les textes législatifs, réglementaires ainsi que les principes posés par la jurisprudence de la juridiction administrative. De plus, dans le cas où elle ouvre une procédure disciplinaire, elle peut y mettre fin à tous moments, toujours pour des motifs d’opportunité.

Pour pouvoir infliger une sanction disciplinaire à un agent, il faut que les faits qui lui sont reprochés puissent être qualifiés de faute disciplinaire. Le problème est qu’il n’existe pas de définition légale de la faute disciplinaire et les fautes susceptibles de justifier une sanction ne sont pas prédéterminées par un texte. Les articles 29 et 30 de la loi du 13 juillet 1983 posent les principes de base :

Article 29 : "Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale".

Article 30 : "En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline.
Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions.
Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille".

Le Conseil Constitutionnel donne un principe directeur permettant de pallier à l'absence de définition de la faute. Dans sa décision n° 88- 248 du 17 janvier 1989 sur la loi 86-1064 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il juge que « appliquée en dehors du droit pénal, l’exigence d’une définition des infractions sanctionnées se trouve satisfaite, en matière administrative, par référence aux obligations auxquelles le titulaire d’une autorisation administrative est soumis en vertu des lois et règlements. » Cette règle peut s’appliquer au régime disciplinaire des fonctionnaires territoriaux dont les obligations sont définies par des normes écrites.

S'il n'existe pas de définition à proprement parlé, on peut néanmoins établir un panorama de fautes justifiant sanction et les décisions prises pour chacune d'entre elles.


1) Les fautes liées au comportement relationnel :

On peut y classer les problèmes de violence, de harcèlement moral et sexuel et de refus d’obéissance.

- La violence : Les faits de violence peuvent être qualifiés par le juge administratif comme une faute personnelle détachable du service car en dehors des « pratiques administratives normales ». Par conséquent, la victime peut engager la responsabilité civile de l’agent fautif devant la juridiction judiciaire.

Elle se caractérise de trois manières : par un conflit violent avec la hiérarchie, entre collègues ou violence exercée sur les usagers.

Concernant les conflits avec la hiérarchie, à l’égard de leur chef de service, les agents doivent éviter certains comportements. En fonction de la jurisprudence, sont proscrits : l’entretien de relations conflictuelles avec le chef de service en refusant par exemple d’exécuter une tâche demandée, s’opposer à l’organisation d’une activité, les violences verbales et insultes. Ces comportements violent directement les dispositions de l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983.
Est également passible d’une sanction disciplinaire, la mise en doute des compétences de son supérieur hiérarchique, sa mise en cause outrancière, injurieuse ou infondée ou fomenter une altercation avec lui. Il faut par ailleurs ajouter que le menacer de voie de fait constitue une faute disciplinaire.
Bien évidemment, le supérieur hiérarchique s’expose à des sanctions disciplinaires si ce dernier adopte un comportement répréhensible. Le chef de service doit avoir un comportement exemplaire avec se collaborateurs et ses subordonnés.
Il s’expose donc à des sanctions s’il exerce des pressions ou un comportement violent. Lorsqu’une telle attitude a pour but de pousser un agent à la démission, il s’agit d’un dol car il vicie le consentement donné. Néanmoins, de simples relations conflictuelles entraînant la démission d’un agent n’équivaut pas à une pression.
Est autant un comportement fautif, l’exercice de violences physique sur un subordonné qui a refusé d’obéir à un ordre, les injures proférées violemment, la critique systématique d’un agent qui ne plait plus au chef de service alors qu’il fait preuve de qualités professionnelles intactes. Ce dernier cas est intéressant dans la mesure où dans un cas comme celui-ci, l’agent bénéficie de l’excuse de provocation. En effet, la cour administrative d’appel (CAA) de Marseille dans son arrêt Ferreres du 21 juillet 2000 a admis que la sanction de révocation était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans le cas où un agent avait frappé le maire entraînant pour ce dernier un interruption temporaire de travail de plus de 8 jours et la condamnation de l’auteur devant le tribunal correctionnel de 8 jours d’emprisonnement avec sursis, au motif que le différend était imputable au maire. Ce dernier avait en effet reproché à l’agent sa manière de servir devant des membres du personnel communal et avait continué alors que l’agent s’était déjà éloigné.

A propos des conflits entre collègues, toute attitude étant de nature à compromettre gravement les relations entre collègues est susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire. La cour administrative d’appel de Douai, dans son arrêt M. Bruge du 27 avril 2000, pour justifier une mutation d’office dans l’intérêt du service, a constaté « l’attitude négative, la caractère asocial et la tendance à la critique systématique » d’un agent. Par conséquent, les faits plus grave comme les injures ou les coups sur le lieu de travail, quelle qu’en soit la raison, ne sont pas tolérables et justifient également une sanction comme l’a affirmé le Conseil d’Etat dans son arrêt M. Lepage du 11 janvier 1995.
Il est aussi évident que la violence d’un agent exercée envers les usagers du service public est tout aussi sanctionnable d’autant plus qu’elle peut être poursuivie sur le plan civil et pénal tel qu’en a décidé le tribunal des conflits (TC) dans son arrêt Kessler du 21 décembre 1987. On peut citer par exemple l’exemple de l’arrêt MDR de Bléré de la Cour administrative d’appel de Nantes datant du 25 janvier 1995 qui accepte la révocation d’un agent d’une maison de retraite qui a giflé et tenu des propos injurieux envers une pensionnaire handicapée.

Compromettant le bon fonctionnement du service, la révocation est justifiée comme en a décidé la cour administrative d’appel de Bordeaux dans son arrêt M. Payre du 26 juin 1995.

- Le harcèlement moral et sexuel : Concernant le harcèlement moral, il s’agit d’une infraction volontaire qui, selon les commentateurs son assez fréquents dans le secteur public bien que l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 prévoit qu’ «Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Dans son ouvrage L’étude des représentations sociales du harcèlement moral : une méthode pour enrichir l’analyse des besoins en formation, Aurore Mallol l’a défini comme « une forme de maltraitance au travail qui se traduit généralement par une succession de propos déplacés, de pressions insidieuses, d’actes pervers constitutifs d’une violence psychologique ayant pour but de déstabiliser, voire de détruire la victime ». A travers la jurisprudence administrative, cinq types de comportement ont été caractérisés : Empêcher la victime de s’exprimer (TA Besançon, 25 octobre 2001, Mme Sanchez c/commune de Gray), isoler la victime (CE, 3 novembre 1989, Fassiaux), déconsidérer la victime auprès des collègues ou de tiers, discréditer la victime dans son travail, compromettre la santé physique ou psychique de la victime.

A propos du harcèlement sexuel, l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 réprimande expressément le harcèlement sexuel en indiquant qu’il est passible d’une sanction disciplinaire, l’agent qui, abusant de l’autorité que lui confère ses fonctions, a exercé des pressions de toute nature dans le but d’obtenir des faveur de nature sexuelle à son profit. Ainsi le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé un avertissement à l’encontre d’un pompier qui a « par ses propos, tenté d’obtenir en échange de son appui des faveurs de nature sexuelle d’une candidate à un emploi de sapeur-pompier professionnel ». Il s’agit également d’un acte puni par le code pénal.

- Le refus d’obéissance : L’article 28 de la loi du 13 juillet 1983 pose le principe d’obéissance hiérarchique et le simple refus d’exécuter un ordre venant d’un supérieur, qu’il soit écrit ou verbal, est susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire. Le problème se pose lorsque l’ordre est manifestement illégal. Dans la Fonction Publique Territoriale, il n’existe pas d’équivalent à l’article 17 du décret du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale qui permet à l’agent  d’exercer un droit d’alerte et d’en référer à une autorité supérieure. Cependant, le Conseil d’Etat estime dans une jurisprudence constante, que pour refuser un ordre, en plus de son caractère manifestement illégal, il doit en plus être de nature à compromettre gravement un intérêt public. On peut citer par exemple son arrêt Langneur du 10 novembre 1944. Le Sieur Langneur était chef du service chômage à la mairie de Drancy et sur ordre du maire, il avait fait bénéficier d’indemnités de chômages plusieurs personnes n’y ayant pas droit dont « les gladiateurs de Drancy », une troupe nord-africaine au service de la municipalité. L’opposition remportant les élections municipales de 1935, le procédé illégal fut mis à jour et le nouveau maire révoqua par arrêté du 30 mai 1936 le Sieur Langneur. Le Conseil d’Etat annula la révocation en indiquant que le fonctionnaire n’avait fait qu’obéir aux ordres du maire et qu’ainsi il n’avait pas commis de faute de nature à justifier sa révocation. Cet arrêt a permis au Conseil d’Etat de limiter l’obligation d’obéissance des fonctionnaires. Ils ne sont pas tenus d’obéir aux ordres qui sont manifestement illégaux et de nature à compromettre gravement le fonctionnement du service public.

La sanction la plus grave est généralement admise dans le cas du refus d’obéissance mais l’attitude de l’agent doit être prise en compte. Les refus réitérés et persistant justifient la révocation. Ainsi en a décidé le Conseil d’Etat dans son arrêt M. Delauzun du 31 juillet 1996.


2) Les problèmes comportementaux portant atteinte à la moralité

Ici, sont concernés les comportements liés à l’intempérance et l’atteinte aux bonnes mœurs.

- L’intempérance : il s’agit des agissements provoqués par l’absorption d’alcool. La révocation ou la mise en retraite d’office est admise par la jurisprudence administrative alors même que l’état alcoolique n’a pas exercé d’effets sur le lieu de travail. De plus, tout fait dommageable résultant d’un état alcoolique au cours d’un évènement de la vie privée peut justifier une sanction disciplinaire car le juge considère que le comportement ternit l’image du corps auquel il appartient ( Cour Administrative d’Appel de Paris, Vasseur, 12 mars 1998). De plus, il existe aussi les situations où la faute est « conditionnée » par le service alors qu’elle est commise dans la vie privée.

Il existe aussi les situations où la faute est « conditionnée » par le service alors qu’elle est commise dans la vie privée. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dans l’arrêt M.F c/ commune de Saint-Bonnet-de-Rochefort du 22 janvier 1998, a jugé qu’un agent d’entretien surpris en dehors des heures de service alors qu’il conduisait, en état d’ivresse un véhicule de service se rend coupable d’une faute disciplinaire passible d’une exclusion temporaire de 3 jours.

Ainsi, les manifestations d’éthylisme sont sanctionnés par le juge administratif par des sanctions sévères, jusqu’à la révocation. Le Conseil d’Etat, dans son arrêt ville de Grenoble du 29 avril 1987 a estimé qu’une exclusion temporaire de fonctions de 15 jours était une sanction trop faible pour le conducteur d’un véhicule municipal en état d’ébriété à 2,629 g. L’exclusion de service est aussi justifiée lorsqu’en dehors de toute conduite automobile, l’état d’ébriété amène l’agent à avoir un comportement déplorable (CE, M.S, 8 décembre 1995).

Cependant, les conseils de discipline se montrent en général indulgents pour atténuer la sanction et même de ne pas en proposer lorsque la faute s’explique par un drame personnel important.

- L’atteinte aux bonnes mœurs : La loi du 13 juillet 1983 ne prévoit rien à ce propos alors que la loi du 14 septembre 1941 disposait que « le fonctionnaire doit, dans sa vie privée, éviter tout ce qui serait de nature à compromettre la dignité de la fonction publique ».

Cependant, cette exigence n’a pas disparu. L’article 5 de la loi du 13 juillet 1983 ne permet pas à une personne d’avoir la qualité de fonctionnaire « si les mentions portées au bulletin n°2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ».

La jurisprudence admet également que soit prise en considération l’exigence de bonne moralité à l’entrée de la personne dans la fonction publique territoriale et tout au long de sa carrière ; et dans la mesure où il n’existe pas dans les textes et la jurisprudence de définition quant aux bonnes mœurs, le juge dispose d’une grande marge d’appréciation en la matière et admet les sanctions disciplinaires pour des comportements attentatoires aux bonnes mœurs sur le lieu de travail mais aussi dans la vie privée. Ces actes sont sanctionnés parce qu’ils jettent le discrédit sur l’image de l’administration mais le problème est de savoir où commence le comportement litigieux dans la sphère privée. La jurisprudence, à ce sujet, s’en tient à une conception stricte de la morale et le fonctionnaire se doit d’éviter certains comportements ; et plus le fonctionnaire occupe une place importante dans la hiérarchie, plus l’obligation de dignité est appréciée strictement.

La jurisprudence est également attentive à la gravité des faits. Le juge administratif admet toujours la révocation de l’agent lorsque l’atteinte aux bonnes mœurs  correspond à des incriminations pénales (pédophilie) et le Conseil d’Etat, en matière de mœurs peut faire preuve d’une grande sévérité sans prendre en compte l’évolution des mœurs. Par exemple, le Conseil d’Etat, dans son arrêt Ministre de l’intérieur et de la décentralisation c/ M. Boitteloup du 14 mai 1986, a considéré comme un manquement à la dignité le fait pour un membre d’une compagnie républicaine de sécurité de cohabiter avec une prostituée.

Néanmoins, le juge administratif peut faire preuve de clémence. Ainsi, l’arrêt Ministre de l’intérieur c/Mme Slujka de la CAA de Paris du 09 mai 2001 refuse la révocation d’une fonctionnaire de police actrice dans des films pornographiques du fait qu’aucune référence n’était faite à sa qualité professionnelle. On aurait pu également se poser la question du non cumul des activités salariées.


3) Le manque de réserve et de discrétion

Le principe de l’obligation de réserve veut que les agents publics se doivent d’observer une retenue dans l’extériorisation de ses opinions pour éviter de nuire au bon fonctionnement et à l’image du service. Consacré dans plusieurs textes spécifiques (article 11 du décret du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale, article 7 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, etc.), il n’a jamais été inséré dans le statut général de la fonction publique. Cependant, le Conseil d’Etat en a construit une œuvre prétorienne dont la première application a été faite dans son arrêt Bouzanquet du 11 janvier 1935. A partir de l’arrêt Teissier (Conseil d’Etat, 13 mars 1953) et de la jurisprudence qui en suivit, on peut affirmer que la liberté d’expression est reconnue aux fonctionnaires avec des réserves dans le cadre de l’exécution du service (Conseil d’Etat, 3 mars 1950, Delle Jamet où la juridiction exige le « devoir de stricte neutralité qui s’impose à tout agent collaborant à un service public ») et de qu’elle a valeur de principe en dehors du service (Conseil d’Etat, 3 janvier 1962, Ministre des armées c/Hocdé). Mais des exceptions visent les emplois supérieurs à la discrétion du gouvernement énumérés par un décret du 21 mars 1959 et la jurisprudence a aussi reconnu que la manifestation d’opinions peut constituer une faute contre le service en manquant de réserve. Celle-ci s’apprécie en fonction du rang de l’agent dans la hiérarchie administrative (arrêt Teissier précité).

Cette obligation s’applique donc naturellement aux fonctionnaires territoriaux comme en témoigne par exemple l’arrêt du Conseil d’Etat du 12 avril 1995, Schmitt où un secrétaire de mairie est sanctionné pour avoir publié dans un journal des articles polémiques sur la commune qui l’emploie.

De plus, les représentants syndicaux doivent aussi la respecter comme l’a exprimé le Conseil d’Etat à plusieurs reprises et notamment dans ses arrêts Sieur Rouve du 23 mai 1966 et Syndicat SUD travail du 29 décembre 2000. L’expression syndicale doit se rattacher à la défense des intérêts professionnels des agents de l’administration et ne doit pas excéder les limites que les fonctionnaires et leurs organisations syndicales doivent respecter en raison de la réserve qu’ils doivent tenir à l’égard des autorités publiques.

A ne pas confondre avec l’obligation de réserve, l’obligation de discrétion est quant à lui imposée par l’article 26 de la loi du 13 juillet 1983 : « Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ».  Par conséquent,  un agent divulguant une information de nature confidentielle encourt une sanction disciplinaire (Conseil d’Etat, 04 mai 1983, Skorski).


4) La violation du devoir de probité

- Le vol : L’article 311-1 du Code pénal définit le vol simple comme me soustraction frauduleuse de la chose d’autrui mais la définition administrative est plus large puisqu’elle en fait une valeur morale dont la violation peut engager des sanctions disciplinaires. Le caractère répréhensible dépend alors de l’idée que chacun se fait de la morale et l’administration peut sanctionner des agents dont le comportement ne correspond pas à la définition pénale du vol. Ainsi un fonctionnaire peut être exclu de ses fonctions alors même qu’un non-lieu pour recel ait été prononcé (Conseil d’Etat ; 25 octobre 1993, Voisin). La révocation a aussi été justifiée selon le Conseil d’Etat dans son arrêt Ville de Perpignan du 9 novembre 1990 par le col d’une soixantaine de pièces de 2 francs au préjudice de la régie municipale.

- Les délits de concussion et de corruption : Il s’agit de cas de textes réprimant les comportements spécialement imputables aux fonctionnaires pour des délits de droit commun.
Le délit de concussion peut être reconnu à l’égard des fonctionnaires au sens de l’article 432-10 du code pénal comme cet agent d’une collectivité territoriale qui percevait « au-delà de ceux auxquels il sait avoir droit, des salaires et indemnités donc l’attribution et le montant sont arrêtés, conformément aux textes applicables, par l’autorité publique compétente (chambre criminelle de la Cour de cassation, 24 octobre 2001, M. N).

Le délit de corruption défini par l’article 432-11 du code pénal punit « de dix ans d'emprisonnement et de 150000 euros d'amende le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, (…) de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques ». Dans ce cadre, la Cour administrative d’appel de Nantes, dans son arrêt M. Thierry, 3 mai 2001, admet la révocation d’un agent ayant perçu des rémunérations occultes et qui a persuadé des personnes ayant formé des demandes de permis de construire de lui confier ces travaux en se présentant comme étant en mesure d’obtenir la délivrance des permis sollicités en raison de ses fonctions et de ses relations.

Le manquement au devoir de probité est sévèrement puni par le juge administratif. Par exemple, dans son arrêt Clerivet du 30 avril 1997, il estime que « le conseil de discipline de recours a, en proposant de remplacer la mesure de révocation par une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois, entaché son avis d'une erreur manifeste d'appréciation ». Il s’agissait d’une employée d’un bureau d’aide sociale qui avait détournée pendant cinq ans des denrées alimentaires pour un montant évalué à 30000 Francs.
De plus, il n’admet pas les circonstances atténuantes même si elles ont été retenues par la juridiction pénale comme par exemple l’absence de réaction de l’autorité hiérarchique qui connaissait les faits dans l’arrêt précité. En fait, il n’admet que l’état de démence.


5) La violation du principe de non-cumul :

L’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que « les fonctionnaires consacrent l’intégralité de leur activité aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Les conditions dans lesquelles il peut être exceptionnellement dérogé à cette interdiction sont fixées par décret en Conseil d’Etat ». Le problème est qu’aucun décret d’application n’a été pris en la matière. Il fallait donc se reporter sur le décret-loi du 29 octobre 1936 relatif au cumul des retraites, de rémunérations et de fonctions pour comprendre l’étendue de cette interdiction à l’égard des fonctionnaires territoriaux. Celui-ci indique que l’interdiction de cumul d’emplois et de rémunérations d’activités ne s’applique pas à la production des œuvres scientifiques, littéraires ou artistiques. Ils peuvent également effectuer des expertises ou donner des consultations, sur la demande d’une autorité administrative ou judiciaire, ou s’ils y sont autorisés par le ministre ou le chef de l’administration dont ils dépendent. Ils peuvent, dans les mêmes conditions, être appelés à donner des enseignements ressortissant à leur compétence. Aujourd'hui, pour la question des cumuls, il convient de se reporter au décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat.

Toute activité professionnelle exercée à titre habituel et revêtant un caractère régulier comme le ferait n’importe quel professionnel est donc interdite.

La deuxième et dernière partie de cet important et conséquent sujet sera mis en ligne dans quelques jours. Nous y verrons les garanties procédurales de l'agent dans le cadre de la procédure disciplinaire. 

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