mardi 20 décembre 2011

La procédure disciplinaire dans la fonction publique territoriale - Deuxième partie : Les garanties procédurales pour l'agent

Statue de la loi
Les garanties procédurales pour l'agent

Les références juridiques sont les mêmes que celles indiquées dans la première partie du dossier consacré à la procédure disciplinaire dans la fonction publique territoriale. Il s'agit donc de : 




La loi du 26 janvier 1984 et le décret du 18 septembre 1989 prévoient des garanties disciplinaires. Aucune sanction ne peut être prononcée sans les garanties minimales prévues par ces textes.
La procédure doit être contradictoire, la consultation du conseil de discipline, en dehors des sanctions du 1er groupe, est obligatoire et des recours administratifs et contentieuses sont possibles contre la sanction. Enfin, dans le cas où une procédure pénale est engagée parallèlement, celle-ci est indépendante de la procédure disciplinaire.


Une procédure contradictoire

La première exigence est que l’agent doit être informé par l’administration personnellement qu’une procédure disciplinaire est engagée contre lui, des reproches qui lui sont faits lui permettant de comprendre le sens de la décision envisagée à son encontre. Cette information peut se faire par un courrier ou par une convocation.

La deuxième exigence, conformément à l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983, veut que « Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes (…). L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier ». L’article 4 du décret du 18 septembre 1989 précise que la lettre informant l’agent de l’engagement d’une procédure contre lui doit l’informer de son droit à communication de son dossier individuel et l’article 5 doit l’inviter à prendre connaissance du rapport engageant la procédure disciplinaire et saisissant le conseil de discipline.

L’absence d’information du fonctionnaire entraîne l’illégalité de la procédure et la règle de communication au dossier individuel a été érigée en principe général de droit (Conseil d’Etat, 5 mai 1944, Dame veuve Trompier). Son omission a pour conséquence l’annulation de la sanction (Conseil d’Etat, 21 juin 1996, commune de Buchères c/Collery).

La troisième exigence est que l’agent doit avoir la possibilité de présenter utilement ses observations. Néanmoins, l’administration n’est pas tenue d’organiser un entretien individuel préalablement à l’engagement de la procédure disciplinaire. Ainsi en a décidé la cour administrative d’appel de Lyon dans son arrêt Mme Pavy du 2 décembre 2003.

La quatrième exigence veut que l’administration doit informer l’agent « qu’il a la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix » (article 4 du décret du 18 septembre 1989). Il s’agit d’une véritable obligation ; quelle que soit la sanction envisagée, même ma plus minime. A défaut, la sanction est illégale comme l’a précisé à plusieurs reprises la jurisprudence administrative. Les conseillers peuvent être des avocats mais aussi des représentants syndicaux.


La consultation du Conseil de discipline

L’article 1er du décret du 18 septembre 1989 dispose que « Le conseil de discipline est une formation de la commission administrative paritaire dont relève le fonctionnaire poursuivi », ce qui signifie qu’il en existe un pour chaque catégorie hiérarchique. Le même article précise qu’il est « présidé par un magistrat de l’ordre administratif, en activité ou honoraire, désigné par le présidant du tribunal administratif dans le ressort duquel le conseil de discipline a son siège » et qu’il « se réunit au centre de gestion de la fonction publique territoriale compétent pour le département où exerce le fonctionnaire concerné ».

Instance paritaire, il est composé à nombre égal de représentants titulaires du personnel de la commission administrative paritaire et de représentants des collectivités désignés par tirage au sort effectué par le président du conseil de discipline. Les membres du conseil de discipline sont tenus de respecter le principe d’impartialité.

Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l’autorité territoriale mais les textes ne prévoient pas de délai quant à la saisine. Par la suite, le fonctionnaire et l’agent doivent être convoqués quinze jours au moins avant sa réunion, ce délai devant permettre à l’agent de faire appel aux défenseurs de son choix et de citer des témoins. L’inobservation de ce délai entraîne l’annulation de la sanction.

Au moment de la séance, l’autorité territoriale ou l’agent peut demander le report de la séance. Ce report est accepté à la majorité des membres présents et un seul report est autorisé.

Pour être régulière, la séance ne doit pas être publique. N’y assistent donc que les membres du conseil de discipline, le fonctionnaire et ses défenseurs, les témoins et les personnes chargées du secrétariat. De plus, la délibération n’est valable que si le quorum est atteint. Le décret du 18 septembre 1989 exige au moins trois représentants de chacune des catégories.

Les membres instruisent l’affaire à partir des pièces du dossier, le fonctionnaire doit pouvoir répondre au rapport présenté par l’administration et donner ses explications de manière écrite ou orale. Les témoins de l’autorité territoriale ou du fonctionnaire doivent pouvoir déposer oralement ou par écrit.

De plus, les membres du conseil peuvent, à la majorité, décider d’une enquête s’ils ne s’estiment pas « suffisamment éclairé sur les circonstances de l’affaire » (article 11 du décret du 18 septembre 1989).

L’affaire instruite, le conseil de discipline délibère à huis-clos et prend un avis motivé à la majorité des membres présents. Dans le cas où il y a partage des voix, le président en informe l’autorité ayant le pouvoir disciplinaire qui pourra prendre une décision. Dans ce cas, la motivation n’est pas nécessaire.
L’autorité territoriale n’est pas liée par l’avis émis.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré dans son arrêt M. Piselli c/ M. Amoretti du 1er décembre 1987 que sanctionner un agent sans réunir le conseil de discipline était constitutif d’une voie de fait. Mais cette obligation ne vaut qu’à partir des sanctions du 2ème groupe. Le dernier alinéa de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 énonce qu’ « aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le 1er groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l’Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d’un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté ».

Seules des circonstances extérieures permettent d’éviter le conseil de discipline. Dans son arrêt Commune de Villedieu-sur-Indre du 2 mars 2004, la cour d’appel de Bordeaux a estimé que « l’impossibilité de réunir un conseil de discipline qui n’a pu être constitué pour des raisons étrangères à l’autorité compétente ne saurait avoir pour effet de priver celle-ci du pouvoir disciplinaire, ni de priver l’agent concerné des garanties de la procédure disciplinaire ; qu’il appartient, en ce cas, à l’autorité  compétente d’informer l’agent de cette impossibilité et de l’inviter à nouveau à présenter sa défense dans les mêmes conditions que devant le conseil de discipline ».


Les recours administratifs et contentieux contre la sanction

En termes de recours administratif, l existe d’abord le conseil de discipline de recours dont le fonctionnement est similaire au conseil de discipline. Il en existe un dans chaque région administrative.

Le fonctionnaire peut saisir le conseil de discipline de recours dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision contestée mais les possibilités sont limitées. L’article 24 du décret du 18 septembre 1989 pose que « Les recours dirigés contre les sanctions disciplinaires des deuxième et troisième groupes mentionnés à l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 précitée ne sont recevables que lorsque l'autorité territoriale a prononcé une sanction disciplinaire plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de premier degré ». Ainsi, il ne peut être saisi que si la sanction prononcée par l’autorité territoriale est plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline.

Le fonctionnaire peut également saisir l’autorité territoriale d’un recours gracieux afin d’obtenir le retrait ou la modification de la sanction. Ce recours  peut intervenir avant la saisine du conseil de discipline de recours ou avant un dépôt d’un recours devant le tribunal administratif. Il suspend le délai de recours contentieux

Sur le plan du recours contentieux, le fonctionnaire peut saisir le juge de l’excès de pouvoir ou le juge des référés. Dans le premier cas, seul, l’agent a intérêt à agir. Le juge exerce un contrôle approfondi sur la légalité externe de l’acte mais ne censure que l’erreur manifeste d’appréciation de l’administration dans son choix de la sanction. Dans le deuxième cas, il s’agit de tenter d’obtenir la suspension de la décision mais deux conditions cumulatives sont nécessaires : l’urgence et l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision.


L’indépendance des procédures disciplinaires et des procédures pénales

Il est possible que la faute donnant lieu à des poursuites disciplinaires soi elle-même une infraction pénale donnant lieu à une condamnation devant la juridiction répressive et les deux sanctions peuvent se cumuler. Mais la condamnation ne lie pas forcément l’administration. Cependant, celle-ci peut surseoir à statuer en attendant le jugement pénal.

La plupart du temps, la sanction disciplinaire intervient avant  la décision pénale. Dans ce cas, si le fonctionnaire a bénéficié d’un acquittement ou  d’une relaxe, l’administration a la possibilité de revoir la situation de l’agent. Si tel n’est pas le cas, un recours pour excès de pouvoir fondé sur la décision pénale peut être introduit devant le juge administratif sauf si les délais de recours sont expirés.

Dans le cas où la décision pénale intervient en premier, la décision du juge pénal s’impose à l’administration si elle a constaté l’existence matérielle des faits mais en raison de son pouvoir discrétionnaire, l’administration reste libre d’apprécier la gravité des faits pour retenir une sanction. Cependant, dans les cas où la matérialité des faits n’a pas été établie ou une plainte a été classée sans suite pour défaut de preuve, la juridiction administrative annule la sanction. C’est pas exemple le cas de l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 janvier 1995, Delignières.

Mais on peut constater que la jurisprudence administrative a précisé que l’autorité disciplinaire n’est pas liée par les décisions de non-lieu ni de relaxe ou d’acquittement au bénéfice du doute. On peut citer dans ce cas l’arrêt Cimeterra du Conseil d’Etat du 24 octobre 1986.

Par contre, dans son arrêt Frady du 22 avril 1992, le Conseil d’Etat a décidé que la perte de jouissance civique, totale ou partielle, rendait inapte à occuper un emploi public. Ici, l’administration a compétence liée et doit prononcer l’exclusion de la fonction publique.

Un troisième partie sera mise en ligne à propos de la procédure disciplinaire. Elle fera le point sur les observations critiques qui peuvent être faites à son égard. En effet, même si des garanties sont mises en place pour l'agent, elles n'évitent cependant pas les cas de sanctions déguisées.


Vous êtes agent de la fonction publique territoriale et vous exercez dans une collectivité du Nord-Pas-de-Calais ou de la Picardie. Vous avez envie de faire partager une expérience ou un point de vue sur le sujet des droits des agents de la fonction publique territoriale. Vous pouvez nous contacter sur notre mail ou laisser un commentaire.

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